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What a wonderful world.

Lids a rattling belching steam, Life ain't nothing but a fancy dream.

24 Février 2021

Le silence ne fait que croître. C'est ma faute, je l'ai soigneusement nourri, je l'ai entretenu, j'ai désherbé toutes les nuisances qui le parasitaient. J'ai entretenu ce silence pour l'ériger au rang d'art de vivre, et maintenant, je me rends compte qu'il prend beaucoup trop de place.
Finalement, c'est un peu comme fumer soigneusement cigarette après cigarette et s'étonner de se réveiller un jour avec un cancer.

Le silence... Ce silence. J'ai cru qu'il serait une bonne solution pour faire taire mes émotions négatives. J'ai cru qu'il m'apporterait calme et sérénité. Je ne me suis pas tout à fait trompée, mais je ne m'attendais pas à ce que le silence révèle une si grande et profonde fatigue.

On dirait que le moindre mot m'épuise, ces derniers temps. Je peine à prendre la parole, à formuler mes émotions, et plus encore mes opinions. J'essaye de trouver les mots, mais chaque phrase me semble être une montagne.
Alors, mes interlocuteurs s'engouffrent dans mon silence comme dans un trou noir, et parlent, parlent, parlent sans plus jamais s'arrêter. Victimes d'une logorrhée qu'eux-mêmes ne s'expliquent pas ("Oh lala, j'te raconte toute ma vie dis donc... Pfiou, je sais pas ce qui m'arrive, faut croire que j'avais besoin de parler...") ils enchaînent et enchaînent les mots, les phrases, les paragraphes sans reprendre leur souffle. Une simple réponse se transforme en histoire complète, avec situation initiale, élément perturbateur, péripéties et résolution du conflit. La moindre question amène un monologue. Les débats se font brusquement à sens unique et à toute vitesse; plutôt que d'avoir l'impression d'assister à un échange, il me semble voir les uns et les autres s'engager sur l'autoroute les yeux bandés, avec moi embarquée sur le siège passager.

 

Tout le monde parle. C'est fou. Les gens deviennent tellement bavards à mon contact, peut-être parce qu'ils pensent que je les écoute. Je crois que c'est parce que maintenant, j'arrive à regarder les gens droit dans les yeux (et je dois même dire que ça m'amuse beaucoup). Je plante mon regard dans le leur et je ne bouge plus. Je n'ai plus la moindre expression, je n'émets pas le moindre bruit, comme si j'étais subjuguée par le spectacle son et images de leur conversation. Et il faut croire que je les inspire, car tant que je ne bouge pas, ils continuent encore et encore de parler.
Bordel, j'aurais vraiment dû devenir psychologue.

 

Enfin bref. Tout ça pour dire que le silence m'écrase et me fatigue, et que je vois dangereusement les premiers symptômes de la dépression s'annoncer. Je connais bien cet état. Je n'ai rien oublié d'autrefois. Et lorsque ce matin, j'ai réalisé à quel point le monde était en train de redevenir lourd et gris, à quel point il me coûtait de ne pas simplement me remettre au lit, je me suis dit qu'il était temps de réagir. Et de remettre le silence à sa place, peut-être.

 

Il y a un concours d'écriture. Sur radio-canada. Pondre un récit (vécu) de moins de 2000 mots, pour un prix de 6000$ à la clef. Le jour où Le Monde fait la même chose, je veux bien me faire moine.
Détail intéressant : le concours est réservé aux détenteurs de la nationalité ou de la résidence permanente canadienne. Je vais donc devoir frauder. Voilà le genre de détails sulfureux qu'un véritable écrivain se doit de glisser dans ses mémoires, n'est-ce pas ?
Le texte que je veux écrire, vous l'aurez compris, concerne le silence. Ça fait très longtemps que je travaille dessus, je n'arrive pas à le finir. Il me rend morose. Il me fait pleurer. Et j'avoue qu'il serait tentant de juste laisser pourrir ce texte dans un coin de ma tête, tandis que le silence qui en émane me remplisse jusqu'à la nausée.

Mais ce serait un échec, n'est-ce pas ?

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