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What a wonderful world.

An empire of dust -2-

17 Mars 2021

Bon, il semblerait que les seules journées où l'on me foute à peu près la paix soient les mercredis. J'ai été trop optimiste, dans mon dernier article...

C'est terrible. Je pense à un tas de trucs pour ce blog, j'écris des bouts d'article çà et là, je me laisse un milliard de post-it avec des idées de sujet... et puis lorsqu'enfin je me trouve une demi-heure pour écrire, je suis trop claquée pour venir à bout de la plus petite phrase. Sécheresse, temps mort dans ma tête, juste le silence qui se réverbère à l'infini.
Ce foutu putain de silence.

Peut-être que la solution est d'écrire à peu près tout et n'importe quoi. Peut-être que je devrais faire passer ce blog au stade un de mes priorités quotidiennes. Mes patients passeront après...

 

 

J'ai intégré le laboratoire du Dr.D en septembre 2018. J'ai passé un an en me sentant comme un mouton parmi les loups, avec un sacré putain de sentiment d'imposture. Les choses stagnaient pas mal, je comprenais environ un mot sur dix quand on me parlait, et j'avais sans cesse l'impression d'être une incongruité que personne n'osait signaler. Doc.D devait s'être trompé, il ne pouvait y avoir d'autre possibilité, sinon, comment expliquer ma présence en ces lieux ? Je ne foutais rien de spécial, si ce n'est écouter en silence, et je n'ose pas croire que quelqu'un se soit mis en tête que je comprenais ce qu'on me racontait. Impossible.
Il s'agissait pourtant de ne pas perdre la face, et de prétendre. Prétendre savoir ce que je foutais, où j'allais, ce qu'on me disait, tout ça tout ça.
Tout était toujours bizarre. J'avais l'impression d'être constamment en apnée. Je retenais tout, ne disais rien, et lorsque j'ouvrais la bouche pour prendre la parole... bon sang, j'avais l'impression de me noyer. Toujours cette peur que mon imposture ne soit révélée, cette crainte que tout hurle en moi "Je vous fais perdre votre temps, je ne suis pas assez intelligente pour vous".
En parallèle, je suivais mes cours de licence, que je réussissais brillamment... Ça, aucun problème. Je pouvais apprendre par cœur un livre de cours complet et le recracher six semaines plus tard. Je comprenais tout, je retenais tout. Mais ça, c'était tellement banal, évident, et si peu pertinent...

J'ai fini par demander à D. de faire une thèse d'honneur pour son compte. Une thèse d'honneur, c'est comme un mini mémoire de licence. Une petite activité de recherche. Autrement dit, c'est 1) fun 2) classe 3) réservé aux meilleurs élèves 4) le meilleur moyen de savoir si on est capable de travailler avec un directeur de recherche. C'est un peu comme un stage, une période d'essai, au terme de laquelle tout le monde est un peu plus renseigné sur qui est qui et quoi implique quoi.

D. a dit oui. Bon dieu. Et je me suis retrouvée avec une thèse super cool sur la morphométrie du striatum en lien avec la neurotoxicologie du plomb. J'ai vraiment adoré mon sujet. Mais bon sang... tellement de stress...
C'est simple, j'avais littéralement l'impression que mon cerveau ne fonctionnait plus qu'à 20% de ses capacités. Mon imposture était gênante lorsqu'elle n'impliquait que mon silence. Mais à partir du moment où D. devait répondre de moi, c'était tout autre chose. J'avais l'impression que la terre entière allait s'effondrer au moindre faux pas. Que la plus petite bourde entacherait à jamais mon nom en tant que scientifique, et surtout, celui de mon directeur. Et que ça, c'eût été mortel, impardonnable, au point où D. aurait légitimement eu le droit de demander mon bannissement pur et simple de la société humaine.

Il y avait des soirs où je ne parvenais même plus à respirer. Je faisais mine d'aller m'allonger, et pour ne pas inquiéter mon mari je pleurais en silence en me mordant le poing. Je suffoquais en permanence, je dormais extrêmement mal, je ne comprenais plus rien.
Au même moment, mon manuscrit se faisait refuser par toutes les maisons d'édition que j'avais contactées. Une par une elles m'envoyaient des lettres plus ou moins sèches, ou se contentaient de m'opposer le silence...

 

 

 

 

 

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