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What a wonderful world.

Druide - Prologue - V1

13 Juin 2017 Publié dans #Fiction.

[C'est un brouillon. Je ne l'ai pas encore relu. C'est sûrement bourré de fautes et de répétitions. Désolée. J'ai honte, haha.]
[Pis en plus, overblog s'obstine à virer ma mise en page, sacredieu. Tant pis. Z'avez qu'à imaginer qu'il y a des alinéas, des jolis paragraphes et pas de trous.]

 

Prologue.

 

 

"Retrouvez-les."

L'ordre tenait à ces deux mots, douze lettres tracées à la hâte. Deux petits mots ne souffrant aucun appel. Depuis trois semaines, la patrouille traversait la forêt-de-brume, et cet ordre avait été leur unique lueur dans l'obscurité.

Vingt-et-uns jours de pluie, vingt-et-une nuits de givre. La forêt-de-brume était un territoire vaste, marécageux, humide et glacial. Les feuilles des arbres étaient couleur d'encre, et masquaient en permanence le ciel; lorsqu'un voyageur rentrait dans la forêt, il avait l'impression de plonger dans une nuit éternelle.Le sol, perpétuellement humide, couvrait les marcheurs de terre jusqu'aux hanches. La nuit, cette boue durcissait et gelait le corps jusqu'aux os.

 

Les soldats arpentaient cette terre maudite à la recherche de leurs compagnons disparus. Depuis des mois maintenant, les leurs disparaissaient. Nuls ne savaient avec certitude s'ils désertaient ou s'ils étaient dévorés par les créatures maléfiques qu'abritait cette forêt.

— Ils sont morts. C'est sûr. Et nous, on va finir par crever aussi, marmonna un soldat.

Le capitaine de la patrouille, Ary Roy, l'avait entendu. Il avait aussi remarqué le murmure approbateur qui souleva le reste du groupe. Autrefois, il aurait réprimandé ses hommes, et leur aurait assené un discours sur la loyauté et le courage, vertus indispensables à un bon soldat. Il n'en fit rien, trop préoccupé par ses pensées sombres.

Ary Roy n'était plus tout jeune, et le poids des années se lisait sur son visage abîmé. Il s'était engagé dans l'armée le jour de ses 14 ans, âge minimum pour devenir soldat.

Son père s'y était naturellement opposé. La famille Roy était de sang noble, et le jeune Ary aurait pu devenir un grand officier sans avoir à risquer sa vie. Peut-être même, s'il s'était révélé être un tacticien brillant, aurait pu t-il devenir ministre de l'empereur. Ni les menaces, ni les promesses, ni les tentatives de raisonner le garçon n'avait pu le faire changer d'avis, et il quitta la cour impériale. À l'époque, il avait sous-estimé la ténacité de son père.

Après les deux années de formation au combat, Ary avait demandé à être envoyé au front: il voulait se battre contre les ennemis de l'empire. Au lieu des combats, il avait été déporté au sud, à la lisère de la forêt-de-brume. Si son père n'avait pu empêcher l'armée de lui prendre son fils, il avait eu tout de même assez d'influence pour le garder en vie, loin du front où l'empire sacrifiait chaque année des milliers d'adolescents.

Ary n'avait pas pu s'opposer à sa mutation, et devint patrouilleur. Même si ses rêves de gloire sanglante avait été déçus, il comptait servir du mieux qu'il pouvait l'armée de l'empire. Soldat exemplaire, il gravit rapidement les échelons, jusqu'à se retrouver capitaine.

Il ne pardonna néanmoins jamais à ses parents. Lorsqu'il retournait à la capitale pour rencontrer ses supérieurs, il refusait de voir sa famille, et se comportait comme s'il était orphelin.

Lorsque ses parents moururent, des années plus tard, il se rendit pourtant à leurs funérailles. Tant d'années s'étaient écoulées, et Ary réalisa trop tard le mal qu'il avait fait. Un jeune homme peut se permettre de s'entêter dans sa colère aveugle, on lui pardonnera cette stupidité de jeunesse; le capitaine Roy réalisa que vingt ans s'étaient écoulés. Il était trop vieux, mais n'avait su gagner en sagesse. Étouffé par la honte et la culpabilité, il avait décidé de rester capitaine de la forêt-de-brume jusqu'à son dernier souffle. Tant qu'il serait vivant, il maintiendrait la puissance de l'empire dans cette terre de désolation.

 

Capitaine du territoire le plus détesté des soldats, il s'était efforcé d'apprendre à ses hommes ce qu'était la noblesse du stoïcisme et la valeur d'un sacrifice. Servir l'armée sur ces terres désolées était un honneur, un privilège réservé uniquement aux plus courageux et aux plus braves. Pourtant, depuis des mois, des patrouilles entières s'étaient mises à disparaître. Il avait monté cette expédition pour les retrouver, et s'était fait un devoir de mener lui même le groupe qui retrouverait les soldats disparus.

Oui, le capitaine Roy était un exemple pour ses hommes, et il endurait son fardeau sans jamais se plaindre, la tête haute. Pourtant, depuis trois semaines, son regard perdait de son éclat. Ses épaules s'affaissaient. Ses discours d'encouragement devenaient rares, et il ne souriait plus. Aucun de ses hommes n'auraient osé le formuler, mais tous le pensaient: le capitaine commençait à perdre espoir.

Chaque jour, ils s'arrêtaient un peu plus tôt pour établir le campement. Le capitaine répugnait attendre le coucher du soleil pour s'enfermer dans sa tente avec ses conseillers.

— C'est cette terre maudite. Cette forêt est hantée, chuchotait le veilleur de nuit à son jeune collègue au coin du feu.

— Hantée ? répondit l'enfant soldat aux joues pleines.

Il avait à peine seize ans.

— Ta mère ne t'a donc rien appris? Ah, c'est ça de recruter des mioches. Regarde ces arbres. En as-tu jamais vu de pareils? L'écorce est noire comme la suie, et ils sont durs comme la pierre, mais si tu parvenais à en abattre un, sa sève te couvrirait de flots rouges. Écarlate comme le sang.

Sa voix se réduisit à un murmure, et le garde serrait inconsciemment le pommeau de son épée en lançant des coups d'œils furtifs aux alentours. Le jeune soldat se rapprocha pour l'écouter.

— Ce n'est pas une forêt ordinaire, ça non, car c'est la demeure des druides.

— Ces paysans illettrés et païens! se récria le jeune en crachant par terre.

Le vieux soldat sursauta et regarda par dessus son épaule, avant d'attraper son collègue à la gorge pour le tirer vers lui.

— N'insulte jamais les druides, petit, tu es fou! Surtout pas sur leurs propres terres! Veux-tu disparaître à ton tour?

Les druides formaient un peuple millénaire, bien plus ancien que l'empire lui-même. Les citadins ne cachaient pas leur mépris pour ces sauvages qui vivaient dans la nature, et se riaient de leurs coutumes étranges. On les disait cannibales, adorateurs de démons, incestueux et fondamentalement mauvais. Pourtant, l'empereur exprimait une grande complaisance à l'égard de ces êtres: de tout l'empire, ils avaient été le seul peuple à pouvoir conserver leur ancienne religion. Cette exception les avait transformé de fait en parias.

— C'est ici même qu'a eu lieu la dernière bataille entre les hommes et les Dwe'n, les dévoreurs d'humains. Un véritable carnage. Leur sang maudit a abreuvé le sol, et a corrompu la forêt. Ce que tu n'entends, ce n'est pas le vent, ce sont les cris de haine des arbres. Là, juste sous tes pieds, se trouve les cadavres de nos frères mêlés aux dépouilles des monstres. On aurait jamais du les laisser pourrir là. Un homme qui n'a pas de sépulture, c'est un sacrilège, ça porte malheur.

Les deux soldats contemplèrent la boue gelée, noire et puante du sol. Ils n'étaient pas du genre à s'émouvoir d'un peu de saleté; pourtant, à cet instant, ils auraient vendus père et mère contre un bain chaud et un lainage propre.

— Ça fait mille ans, tu imagines? Mille ans que les druides sont les seuls à s'occuper de cette terre malade. Leur magie est puissante et ancestrale, et c'est grâce à eux que la forêt-de-brume est resté calme... grâce à eux, que les bois n'ont pas accouché d'un monstre mi-squelette, mi-Dwe'n.

— Tout ça c'est des racontars de bonne femme. Tu m'as pris pour un gosse? Garde tes histoires pour la taverne. J'ai pas peur. Les Dwe'n n'existent pas, pas plus que les elfes et les gobelins.

— Silence, malheureux! Respect pour les morts! Tu es trop jeune: tu ne vois pas, tu ne sens rien. Tu ne te rends pas compte de ce qui est en train de se passer! Les druides sont en train de s'éteindre, ils ne sont plus assez nombreux. Il n'y a plus assez de gardiens, et la malédiction de la forêt se réveille. C'est pour ça que les notre ont disparu, c'est pour ça que notre capitaine perd son courage. Tu ne sens pas que ces bois te rongent de l'intérieur, toi aussi? Tu ne sens pas la mélancolie? Chaque matin, tu mets plus de temps à te lever. La lumière ne te réchauffe plus, tes pas sont de plus en plus lourds. Toi aussi tu te réveilles la nuit pour pleurer sans raison.

— C'est complètement faux! s'offusqua le jeune homme.

— C'est vrai, et je le sais parce que je vis la même chose, gamin.

L'adolescent avait bondi sur ses jambes, les larmes aux yeux. Rouge de colère, il avait dégainé son épée, prêt à en découdre. Personne n'avait le droit de sous-entendre qu'il était un pleutre!

Submergé par l'émotion, il ne se rendit pas compte de la gravité de son geste: il s'apprêtait à défier un de ses collègues, qui plus est un homme expérimenté et plus important que lui. Par chance, le garde ne s'énerva pas, et se contenta de lever la main dans un geste las.

— Tu dis n'importe quoi, l'ancêtre, cracha le gamin. Ceux qui ont disparu sont des déserteurs, parce qu'ils ne supportaient plus ce trou. Et je les comprends. Mais il n'y a rien dans cette forêt, tu entends? Rien du tout! Tu dis que les arbres... pleurent?! Tu as de la fièvre, tu as attrapé froid et tu hallucines, voilà tout.

— Effectivement, il n'y a rien dans ces bois, dit-il en ravivant les braises du feu de camp. Pas un sanglier, pas un lapin, même pas un loup. Et toi, tu trouves pas ça bizarre. Tu ne me crois pas? La belle affaire. Toi et moi, on sait tous les deux ce qu'il en est. Bientôt, il n'y aura plus d'hommes non plus dans cette forêt.

— Ferme la!

Pris par leur conversation, les deux soldats ne remarquèrent pas tout de suite que la température avait brusquement chuté de plusieurs degrés. Bien que le vieux tentait machinalement de raviver le feu, les braises continuaient à s'obscurcir, et leur souffle créait une buée de plus en plus épaisse.

La forêt-de-brume tenait son nom d'un phénomène météorologique habituel en ces lieux; un léger tapis de brouillard s'échappait souvent du sol, recouvrant les racines des arbres et les bosquets. Aussi, cette nuit là, les soldats ne s'inquiétèrent pas outre mesure de voir de la fumée couvrir leurs pieds, sans pour autant remarquer qu'il ne s'agissait pas d'une brume ordinaire.

Toujours debout, l'adolescent rengaina son épée. Il ferma les yeux et prit une profonde inspiration pour se calmer.

— Par l'enfer, maugréa-t-il, ce qu'il peut faire froid ici...

Le jeune avait l'impression d'être plongée dans une eau glaciale jusqu'aux genoux. Il baissa les yeux, et constata avec stupeur qu'il ne voyait plus ses pieds. La brume était épaisse et se mouvait étonnement vite, bien qu'il n'y eut pas une once de vent.

Le vieux garde attrapa une torche, dont l'embout était enduit d'une huile inflammable, et la plongea au milieu des dernières braises. Le bâton s'enflamma, tandis que le feu de camp s'éteignit lorsqu'il fut totalement recouvert par la brume.

Un autre soldat sortit de sa tente à ce moment là, et s'approcha des deux veilleurs, emmitouflé dans sa couverture de laine.

— J'ai froid, j'ai froid... dit-il d'une voix pâteuse. Hey, où est le feu?

— Vient de s'éteindre, sous nos yeux.

— De quoi?

À son tour, il darda son regard vers l'étrange brouillard, qui se coulait dans tout le campement.

— Mais qu'est ce que c'est que...

N'y tenant plus, le plus jeune s'ébroua et leva brusquement un pied. Comme s'il s'était agi d'une substance visqueuse, des lambeaux de brouillard restèrent accrochés à sa jambe, voletant paresseusement. Durant un instant suspendu, l'adolescent demeura en équilibre, contemplant son pied d'un air interdit. Puis la brume s'activa.

Les lambeaux de fumée tressaillirent comme s'ils frissonnaient, puis s'enroulèrent autour de la cuisse du soldat comme des serpents. Le mouvement fut vif, à peine perceptible. Autour d'eux, les nappes de brume convergèrent vers le jeune soldat, formant des tentacules spectrales. En un éclair, la fumée avait rampé le long de son autre jambe, et l'enlaçait déjà jusqu'à la taille. Le garçon se mit à hurler.

Ses compagnons reculèrent, terrifiés. L'adolescent restait dans la même position, un pied levé, et frottait furieusement ses membres couverts de fumée. Un masque de douleur déformait son visage.

— Enlevez-le! ENLEVEZ-LE!

Les langues de fumée l'enrobèrent totalement, et passèrent à travers sa chaire. Les vêtements et la peau du pauvre enfant soldat se teintèrent de gris, le pétrifiant sur place. La brume démoniaque remonta jusqu'au visage, et plongea ses doigts vaporeux à l'intérieur de la bouche de l'adolescent. Un ultime cri sortit de sa gorge, un cri atroce, qui glaça le sang de tous ceux qui l'entendirent. Le hurlement diminua jusqu'à une plainte étouffée, lancinante, et le garçon fut changée en statue de pierre.

La panique s'empara du camp. Le bruit avait achevé de réveiller les soldats qui, se croyant attaqués, sortaient de leurs tentes, l'armée à la main. Dans une obscurité presque totale, ils agitèrent leurs épées contre des ennemis invisibles, ne comprenant pas ce qu'il se passait alors.

Le capitaine Roy, aussi stupéfait que ses hommes, se mit à courir vers le vieux garde qui agitait la dernière torche allumée.

— Soldat! Que se passe-t-il? Qui nous attaque?!

— Le brouillard, capitaine, le brouillard! dit-il en gesticulant comme un damné.

À la clarté du flambeau, Roy constata l'effroyable vérité. Sous ses yeux ébahi, ses hommes se faisaient happer par des vagues de brume noire. Les soldats tentaient d'arracher les langues nébuleuses qui s’agrippaient à leurs corps, mais aucun ne parvenait à s'extirper de la fumée. Tous hurlaient de terreur, se débattaient, certains tentèrent même de fuir. Sans exception, les soldats se métamorphosaient tous en statues de pierre, figés dans leur dernier mouvement .

Par instinct le capitaine avait dégainé, mais face à cet ennemi surnaturel, son épée était aussi utile qu'un couteau à beurre. Les jambes tremblantes, il reculait. Son esprit était incapable de réfléchir, incapable d'élaborer la moindre stratégie. Il ne pu formuler qu'une seule idée, impérieuse, abrupte: fuis.

Face à n'importe quel danger, le capitaine aurait préféré mourir que d'abandonner ses hommes. Cependant, alors que ses jambes traîtresses continuaient à reculer en chancelant, Ary Roy se sentit défaillir. Il connaissait la peur, il connaissait l'angoisse du danger et de la douleur, et il avait déjà regardé la mort en face. Cependant, de toute sa longue vie, il n'avait encore rien ressenti de comparable. Il n'y avait pas de mot pour décrire la terreur, l'horreur indicible qui coulait dans ses veines, qui serrait son cœur d'un étau de glace, qui le paralysait et lui donnait envie de retourner sa propre lame contre sa gorge plutôt que d'affronter le même supplice que ses hommes.

Roy sentit soudain ses doigts s'engourdir, et porta sa main au visage. Repliés comme une serre d'oiseau, ses doigts virèrent au gris. D'abord les ongles, puis les phalanges, et déjà la paume de sa main prenaient la couleur de la pierre. Le capitaine n'avait encore jamais ressenti pareille douleur; ça brûlait et gelait en même temps, et il sentait déjà le poison remonter ses veines jusqu'à son cœur. En hurlant à son tour, Roy leva son épée, et se trancha le bras. Le membre se détacha net, et disparu sous le tapis de brouillard.

À ses côtés, le vieux garde trébucha et s'écroula au sol. Sa torche fut recouverte d'une nappe de fumée, et s'éteignit dans un sifflement, laissant le capitaine dans les ténèbres.

 

 

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